jeudi 28 juillet 2016

A LA PLACE DU CŒUR - Saison 1 de Arnaud Cathrine

Sort le 1er Septembre 2016
Résumé : Ce soir, Caumes a 17 ans et attend le déluge. Il ne sait qu’une chose : à la fin de l’année, il quittera sa ville natale pour rejoindre son frère aîné à Paris. Paris, la ville rêvée. Ce soir, Caumes a 17 ans et attend aussi le miracle qui, à son grand étonnement, survient : Esther – sujet de tous ses fantasmes – se décide enfin à lui adresser plus de trois mots, à le regarder droit dans les yeux et à laisser deviner un « plus si affinités »… Nous sommes le mardi 6 janvier 2015 et le monde de Caumes bascule : le premier amour s’annonce et la perspective obsédante de la « première fois ». Sauf que le lendemain, c’est la France qui bascule à son tour : deux terroristes forcent l’entrée du journal « Charlie Hebdo » et font onze victimes… À la place du cœur, c’est ça : une semaine, jour après jour, et quasiment heure par heure, à vivre une passion sauvageonne et exaltante ; mais une semaine également rivée sur les écrans à tenter de mesurer l’horreur à l’œuvre, à tenter de ne pas confondre l’information en flux continu avec un thriller télé de plus. Comment l’amour (qui, par définition, postule que « le monde peut bien s’écrouler ») cohabite-t-il avec la mort en marche ? Comment faire tenir ça dans un seul corps, dans une seule conscience ? Comment respirer à fond le parfum de la fille qu’on aime et comprendre, dans le même temps, que le monde qui nous attend est à terre ?

Mon avis : Ils sont 4 garçons et une seule fille âgés d’environ 17 ans. Ils ont la particularité d’être un groupe plutôt hétéroclite, aisé ou pauvre, français sans origine marquée à juive ou arabe. Ils aiment faire la fête, boire, fumer des cigarettes ou des joints en écoutant du rap, un peu comme tous les jeunes de leur âge.
Caumes est l’un d’entre eux.
Il fête ses 17 ans et reçoit le cadeau qu’il n’espérait plus : un baiser d’Esther. Alors que nait leur idylle, les voilà tourmentés entre les hormones et les infos terribles qui bousculeront la vie des français : les attentats de Charlie Hebdo.
Dès lors, chacun d’eux se retrouvera confrontés à l’incompréhension, la peur, le devoir mais aussi la haine.
Ils n’ont que 17 ans, à l’aube de l’âge adulte où tout leur semble être possible mais rien de telle que la barbarie humaine pour leur remettre les pieds sur terre et les faire entrer au cœur d’une bataille vicieuse et incompréhensible.
Ensemble, ils devront se serrer les coudes et continuer d’avancer, de vivre, de croire que tout n’est pas perdu.
***
Avant de continuer avec mon analyse, j'aimerais remercier chaleureusement Glenn de la Collection R pour m'avoir permise de lire ce livre en avant première et même si je ne savais pas avant de me plonger dans ce récit si j'allais pouvoir l'apprécier à sa juste valeur ou si le traumatisme de cette journée allait biaiser mon jugement, je peux vous dire, toutefois, qu'en le fermant, les sentiments qui m’ont animée, étaient tout sauf de la déception.

En nous immergeant au cœur de la vie de Caumes au moment où celle de tous les français basculent vers l'escalade de l'horreur, je ne peux que penser que l'auteur a pris un gros risque.
Il aurait pu sombrer dans la facilité, en détournant les attentats à son profit pour en faire une histoire un peu plus vendeuse ou encore en nous donnant la vision d'un homme et non pas d'un jeune de 17 ans.

Mais rien de tout cela n’est arrivé. Quand il décrit le quotidien de Caumes, j'ai eu l'impression d'ouvrir une porte sur le passé et de revoir cette journée totalement hallucinante mais cette fois à travers les yeux de cet ado, qui ne comprend pas vraiment ce qui se passe, ni les enjeux.

Rien n’est surjoué ou enjolivé, bien au contraire.
L'auteur a, à mes yeux, très bien su retranscrire la complexité du personnage d'un jeune arrivé aux portes de la vie d'adulte.
Caumes est l'exemple type du pré-adulte : il commence à s’affirmer, pensant que sa parole est reine et qu’il pourra changer le monde alors que dans la vie réelle, les adultes le snobent royalement.
Puis d’un autre côté, il est géré par ses hormones et ne pense quasiment qu'à cela. Même quand les attentats surviennent, il est tiraillé entre son devoir patriotique et les émotions qui le disputent quand il voit Esther.

En tant qu'amoureuse, cette dernière à une place très importante dans le livre. De confession juive, elle est au centre des attentats quand l'épicerie casher est attaquée. Esther est un personnage attachant qui sait ce qu’elle veut et n’hésite pas à l’obtenir. Militante et farouchement campée sur ses positions, elle reste quand même ouverte d’esprit et admirable dans ses actions.

Un autre personnage est lui aussi, au cœur de l’intrigue ; le meilleur ami de Caumes : Hakim.
Maghrébin, il apporte une autre facette aux attentats, celle de la montée en puissance du racisme. Timide à l’extrême, il est vraiment en retrait par rapport aux autres pourtant, il a été pour moi, la figure la plus importante du bouquin.

D’autres personnages restent importants : Sébastien ou Swann, le frère de Caumes, Théo, le fils du Maire, Kevin, le sceptique, Ballard, le pro Frontiste ou encore Mme Barsacq, la prof de philo, qui apporte un regard plus adulte et plus approfondi des attentats. Chacun d’entre eux apportera un regard différent sur la barbarie qui frappe la France.

En bref, un livre très réussi où l’auteur garde la tête froide en relatant avec une écriture très réaliste, la vie d’un ado tombant pour la première fois amoureux, bousculée par la barbarie humaine. Un livre qui, comme après les événements, me laisse avec une boule au ventre et une envie de savoir ce nous réserve la seconde saison.

Mes extraits :
« J’aimerais pourtant savoir pourquoi au juste nous sommes dans ce monde ? » Ca m’a fait tellement de bien le jour où j’ai lu ça : LA question que tu n’oses formuler devant personne tellement ça paraît ridicule ; mais c’est pourtant vrai : qu’est-ce qu’on fout sur Terre, bordel ? J’ai souvent été tenté de répondre : rien, rien, on ne sert absolument à rien. Il m’arrive encore de le penser. Une fois, j’ai sondé mon frère (je n’avais pas encore « rencontré » Melchior) et il m’a répondu très naturellement :
On ne sert à rien du tout, Caumes, mais puisqu’on est là, autant faire au mieux.
- Ca veut dire quoi « au mieux » ?
- C’est se faire une belle vie. Avoir un peu d’argent pour vivre. Et surtout : jouir !
Je n’oublierais jamais comment Swann a dit ça, ses yeux brillaient. »
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« Que nous apprend l’histoire ? (…) Pour moi cette question pose un problème encore plus important : c’est bien joli d’essayer de comprendre ce que nous apprend l’histoire. Mais on peut aussi poser le problème à l’envers : parfois l’histoire ne nous apprend rien.
Par exemple, si on met bout à bout toutes les guerres qu’il y a eu dans le monde et tous les accords de paix qui ont été signés, on aboutit au constat que l’histoire ne nous apprend rien puisque ça recommence tout le temps.
On connait la phrase (qui est de je ne sais plus qui) : « plus jamais ça » Mais il arrive que les hommes ne retiennent pas la leçon. Surtout quand il s’agit de buter son prochain. C’est pareil avec le terrorisme (dont Mme Navarre refuse de nous parler). Alors voilà, parfois, l’histoire ne nous apprend rien et tout est à refaire. »
*** ***
« Esther a la même expression que lorsque je l’ai quittée en peignoir sur son lit tout à l’heure : le regard vide, incrédule. Il faut dire qu’en quelques jours, l’inimaginable a fait irruption dans nos vies. On est sans cesse contraints de se demander si c’est un cauchemar, si on a bien entendu, bien vu ; tout ça pour en arriver chaque fois au même constat : impossible de prendre la mesure des choses. Des gens ont été tués ? Xxx va peut-être mourir ? J’abdique et j’avoue que je ne comprends pas ce que cela veut dire. Pas la peine de se forcer : je ne peux pas comprendre pour le moment. Après ? On verra. Mais pour le moment : je ne comprends plus ni le français, ni les images, ni rien à cette histoire de morts, cette histoire de mort. »

Chronique de Sandy Twi-cops
Broché: 252 pages
Editeur : R-jeunes adultes
Collection : R

5 commentaires:

  1. J'hésitai à le lire car comme toi un peu d'appréhension avec un sujet aussi sensible mais tu m'as convaincue et puis la couverture en plus d'être originale est juste magnifique.
    Merci Sandy :-)

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    1. de rien, j'espère qu'il te plaira autant qu'il m'a plu :)

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  2. Wahou... il devrait me plaire celui-ci !!! Je le note et merci pour cette première lecture d'avis sur ce roman :-) Ça donne le goût de se le procurer!

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  3. Pareil, il faut que je le lise...

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